Déficits gonadotropes et fertilité
Que sont les déficits gonadotropes ?
Les déficits gonadotropes regroupent une famille hétérogène de pathologies. Ils correspondent à un défaut de la fonction gonadique (ovaires chez la femme, et testicules chez l’homme) dont l’origine est un défaut d’activation de l’hypothalamus et/ou de l’hypophyse. Ce sont donc des hypogonadismes hypogonadotropes par opposition aux hypogonadismes hypergonadotropes où l’altération de la fonction gonadique est secondaire à des anomalies primitivement ovariennes ou testiculaires.
L’initiation de la puberté et le maintien des fonctions de reproduction dépendent de l’intégrité des interactions hormonales entre l’hypothalamus, l’hypophyse et les gonades. Ainsi, les déficits gonadotropes altéreront dans différentes mesures le processus de puberté et la fertilité spontanée.
Comment les gonades sont elles contrôlées?
Les gonades correspondent aux ovaires chez la femme et aux testicules chez l’homme. Elles sont sous le contrôle de l’hypophyse via deux hormones appelées gonadotrophines: la FSH (Follicle-Stimulating Hormone) et la LH (Luteinizing Hormone). La FSH contrôle la fonction exocrine et régule la production des gamètes (ovocytes chez la femme et spermatozoïdes chez l’homme). La LH régule la fonction endocrine par la production d’hormones stéroïdes sexuelles que sont les oestrogènes et la progestérone chez la femme et la testostérone chez l’homme. Ces gonadotrophines sont elles mêmes sous la dépendance d’une hormone hypothalamique, la Gn-RH (Gonadotropin Releasing Hormone) qui se lient aux cellules hypophysaires gonadotropes pour activer la sécrétion et la synthèse de gonadotrophines. Une des caractéristiques des sécrétions hormonales est leur caractère pulsatile. En effet pour être active sur les cellules hypophysaires, la Gn-RH doit être libérée de façon cyclique, environ toutes les 90 minutes. Les sécrétions de FSH et de la LH seront alors elles aussi pulsatiles. La mise en place de cette activité rythmique est essentielle puisqu’elle caractérise le début de la puberté.
Quelles sont les causes des déficits gonadotropes ?
Les étiologies sont diverses et peuvent être classées :
- par la localisation du déficit : soit hypothalamique avec l’absence de synthèse de Gn-RH, soit hypophysaire avec un déficit en gonadotrophines. Dans les cas de déficits hypophysaires, ce déficit est soit isolé soit associé à d’autres déficits hypophysaires réalisant alors un hypopituitarisme plus ou moins complet.
- par leur origine acquise ou congénitale (à la naissance).
Les déficits gonadotropes peuvent ainsi se révéler lors de la période néonatale, de la puberté ou à l’âge adulte. Les conséquences sur l’apparition de la puberté et sur la fertilité seront différentes selon l’âge d’apparition du déficit.
ETIOLOGIE DES DEFICITS GONADOTROPES
- Déficits gonadotropes congénitaux
Défaut de sécrétion / action hypothalamique de GnRH
Syndrome de Kallmann (gènes KAL-1, KAL-2, KAL-3, KAL-4)
Mutation du récepteur au GnRH
Mutation du récepteur GPR54
Mutation de la kisspeptine
Mutation des gonadotrophines des gènes LHb et FSHb
Avec hypoplasie congénitale des surrénales : gène DAX-1
Avec anomalie du développement antéhypophysaire : gènes PROP-1, HESX-1, LHX3
Avec obésité : mutation de la leptine ou de son récepteur
Association syndromique: Prader-Willi, Laurence-Moon, Bardet-Bield
- Déficits acquis
Lésions suprasellaires
Tumeurs : craniopharyngiome, germinome, gliome, métastases
Granulomatoses
Séquelles de méningite tuberculeuse
Traumatismes crâniens
Radiothérapie de la région hypothalamohypophysaire ou encéphalique
Origine hypophysaire
Adénome
Hémochromatose
Hyperprolactinémies
Origine fonctionelle
Anorexie mentale
Maladie coeliaque
Utilisation d’oestrogènes (chez l’homme), anabolisants ou androgènes
Déficits gonadotropes et troubles de la fertilité
Chez la femme comme chez l’homme, les déficits gonadotropes sont responsables d’un retard ou d’une absence de puberté spontanée et d’une altération plus ou moins importante de la fertilité. Les troubles de la fertilité correspondent à l’incapacité à procréer. Si un traitement étiologique du déficit gonadotrope peut être effectué, il devra naturellement l’être afin d’évaluer l’amélioration éventuelle sur la fertilité. Dans les autres cas et notamment lors des déficits congénitaux, différentes stratégies peuvent être proposées.
Chez l’homme
Dans les déficits gonadotropes, cette infertilité est secondaire à un déficit du nombre ou de la qualité des spermatozoïdes. L’examen essentiel est donc le spermogramme qui analyse notamment la quantité et la qualité des spermatozoïdes. L’infertilité peut révéler un déficit gonadotrope non diagnostiqué jusque là. Cependant, dans la majorité des cas le déficit acquis ou congénital est connu et la question de la fertilité se pose à l’âge adulte.
L’objectif du traitement sera de stimuler ou d’induire la spermatogenèse (production des spermatozoïdes). Cette stimulation devra être prolongée, habituellement de 12 à 24 mois pour obtenir une croissance testiculaire et une spermatogenèse maximale. Cependant, ce délai est une moyenne et l’apparition de spermatozoïdes peut être plus précoce ou plus retardé par rapport au début du traitement. L’importance du déficit de la spermatogenèse est un des facteurs du délai de la réponse.
Le traitement actuel repose sur l’utilisation combinée de FSH recombinante et d’hCG, cette dernière possédant un effet LH. En effet, la LH recombinante ne permet pas d’obtenir une stimulation de la fonction endocrine suffisante. La FSH est injectée en sous-cutanée, l’hCG en intramusculaire. La surveillance sera basée sur une augmentation du volume testiculaire, sur le dosage de la testostérone mais surtout sur « l’amélioration » du spermogramme, seul critère de l’efficacité du traitement.
En cas d’échec thérapeutique, la réalisation d’une fécondation in vitro classique ou par microinjection directe de spermatozoïde dans l’ovocyte (ICSI) peut se discuter. Une spermatogenèse doit toutefois avoir eu lieu après stimulation. Une biopsie testiculaire peut s’avérer nécessaire pour obtenir des spermatozoïdes adéquats.
Chez la femme
Chez la femme, le diagnostic de déficit gonadotrope congénital est souvent fait à l’adolescence par une aménorrhée (absence de règles) avec un retard pubertaire. Avant de prendre en charge une infertilité, il faudra s’assurer d’un développement satisfait de l’utérus témoin d’une imprégnation oestrogénique adéquate. La perméabilité des trompes de Fallope devra également être contrôlée. Un traitement oestro-progestatif doit donc avoir eu lieu avant d’induire une ovulation.
Contrairement à l’homme, le traitement de choix, en cas de déficit hypothalamique, est l’administration pulsatile de Gn-RH par pompe afin de reproduire au mieux la physiologie. Cette pulsatilité engendrera une sécrétion des gonadotrophines hypophysaires et, secondairement, une stimulation des ovaires. Une surveillance par échographie ovarienne et dosages hormonaux sera effectuée pour s’assurer de suivre le développement folliculaire. Selon les indications, les résultats de ce traitement varient entre 70-90% d’ovulation et 25% de grossesse par cycle. Le risque de grossesses multiples et de fausse-couches reste présent.
En cas d’échec de la pompe à GnRH ou en cas d’atteinte hypophysaire, l’utilisation sous cutanée de FSH recombinante associée à la LH recombinante est proposée. Cela permet d’assurer une croissance folliculaire suffisante et contrôlée.
En synthèse
Les déficits gonadotropes sont d’étiologie diverse et retentissent de façon plus ou moins importante sur la fertilité. Si la fertilité spontanée est souvent compromise, les traitements actuels permettent souvent de restaurer une capacité de procréation.
Docteur Frédéric ILLOUZ